Faire face aux quatre défis de la santé, un impératif pour atteindre les Objectifs de Développement Durable en Afrique.(Première partie)

L’HÉRITAGE COLONIAL

Héritiers du système colonial, les pays d’Afrique ont globalement reconduit le modèle sanitaire colonial durant les premières décennies des indépendances. Ce système organisé autour de l’hôpital mettait le focus sur le contrôle des maladies en particulier celles à potentiel épidémique.

LES SOINS DE SANTÉ PRIMAIRES : UN NOUVEAU SOUFFLE

L’adoption des Soins de Santé en 1978 et ensuite dans la même dynamique l’introduction de l’Initiative de Bamako en 1992 vont donner une nouvelle orientation à la santé avec une approche plus inclusive, démocratique et efficiente. Hélas les programmes d’ajustement structurels ont vite plombé cette initiative en limitant drastiquement les investissements dans le secteur stratégique de la santé. L’optimisme suscité, retomba ainsi très vite et les systèmes de santé fragilisés peinèrent à satisfaire la demande avec une bonne partie des populations privées de leur droit constitutionnel d’accès à la santé.

DES BESOINS EN SANTÉ EN PROGRESSION CROISSANTE

La situation sanitaire est marquée par l’incidence grandissante des maladies transmissibles qui cohabitent avec les maladies infectieuses. Le tableau est exacerbé par les nouveaux défis qui apparaissent au fil des ans accentuant la pression sur les systèmes de santé déjà surchargés peinant à remplir leurs obligations. En effet les systèmes de santé loin de faire face à un double fardeau, doivent en réalité faire face à quatre fardeaux qui sont:

  • LE CONTRÔLE DES MALADIES INFECTIEUSES
  • LA PRISE EN CHARGE ET DE LA PRÉVENTION DES MALADIES CHRONIQUES
  • LES ACCIDENTS DE LA VOIE PUBLIQUE
  • LA GESTION DES CATASTROPHES ET DES URGENCES SANITAIRES

DÉFI NUMÉRO 1: POURSUIVRE LES EFFORTS DE CONTRÔLE DES MALADIES INFECTIEUSES

Des efforts substantiels ont été consentis ces dernières années pour améliorer la santé des populations africaines notamment avec les programmes élargis de vaccination. Initiés depuis les années 80, ces programmes ont permis de faire presque disparaitre certaines maladies mortelles chez les enfants comme la diphtérie, la coqueluche, le tétanos et la rougeole avec un recul de la mortalité infanto-juvénile. Durant les 15 dernières années, à travers des mécanismes de financements nouveaux les programmes verticaux de lutte contre le VIH, la Tuberculose et le Paludisme ont enregistré des résultats significatifs qui ont contribué à renforcer les gains. Malgré ces progrès, les efforts doivent être accélérés pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD). En effet selon les projections de l’OMS, le rythme de baisse des incidences de la Tuberculose et du Paludisme ne permettra pas d’atteindre les cibles fixées (respectivement 0,6 et 16,5 alors que les projections actuelles font état de 1.7 et 80/1000)[1].Il s’y ajoute que le SIDA continue à tuer et que les maladies tropicales négligées peinent à recevoir toute l’attention requise.

DÉFI NUMÉRO 2: PRÉVENIR ET PRENDRE EN CHARGE LES MALADIES CHRONIQUES

L’irruption des maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires chroniques ont changé le profil épidémiologique des pays africains. En moyenne 30% des personnes de plus de 18 ans ont une hypertension en Afrique et 5% présentent un taux élevé de sucre dans le sang1. Selon les estimations les MNT seront la principale cause de décès en Afrique d’ici 2030, et le fardeau du cancer va doubler entre 2008 et 2030[2] . Ces maladies sont responsables de souffrances et de décès prématurés évitables. Elles s’attaquent aux adultes en particulier et par conséquent réduisent la productivité, appauvrissent les ménages (qui supportent la quasi-totalité des dépenses de soins), et consomment des ressources pouvant être utilisées pour le développement socio-économique des pays.

DÉFI NUMÉRO 3: RÉDUIRE LA MORTALITÉ ET LES HANDICAPS LIÉS AUX ACCIDENTS DE LA VOIE PUBLIQUE

Chaque année des centaines de personnes meurent sur les routes et d’autres se retrouvent avec des handicaps qui vont affecter le reste de leur vie. Cette réalité beaucoup de personnes l’ignorent ou feignent de l’ignorer. Faudrait-il l’ignorer ? Ce fléau tue principalement les jeunes et arrachent tous les jours les familles de leurs pères, mères, enfants, sœurs, frères et oncles de manière brutale. Selon l’OMS [3] les accidents tuent chaque année 5 millions de personnes dans le monde et la plupart dans les pays sous-développés. En Afrique, le nombre élevé d’accidents de la route dans le pays dépend de l’interaction entre plusieurs facteurs qui ne sont pas du ressort du secteur de la santé. Il s’agit du mauvais état des routes, et des véhicules, du nombre croissant de véhicules, des conducteurs mal formés ou non formés, des excès de vitesse, de la conduite en état d’ivresse, et de l’application insuffisante des lois sur la circulation.

DÉFI NUMÉRO 4: FAIRE FACE AUX CATASTROPHES ET SITUATIONS DE CRISE SANITAIRE

Ces dernières années nous assistons à une multiplicité des situations de crise sanitaire en rapport avec des catastrophes naturelles, des conflits ou des épidémies dans la plupart des régions d’Afrique. En fin mars 2019, le Bureau Afrique de l’OMS faisait état de 66 situations d’urgences sanitaires dont 53 épidémies (Ebola, choléra, rougeole, chikungunya…) et 13 crises humanitaires (inondation, famine, guerre…). Ces crises concernent la majorité des pays d’Afrique Subsaharienne. Certains pays font face en même temps à des épidémies et des crises humanitaires, c’est le cas du RD Congo, du Nigeria, de la RCA et du Mozambique pour ne citer que ceux-là. Les inondations récentes au Malawi, au Zimbabwe et au Mozambique ont affecté plus de 3 millions de personnes et causé 7 32 décès tandis que l’épidémie d’Ebola a déjà fait 676 morts en RD Congo. Ces chiffres sont alarmants et doivent interpeller notre conscience collective car les conséquences sont énormes sur le plan humain, social et économique. Et ces crises répétées fragilisent davantage nos systèmes de santé qui peinent déjà à répondre aux besoins des populations.  

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[1]World Health Organisation : Atlas of African Health status, Universal health coverage and the Sustainable Development Goals in the WHO African Region 2018
[2]Marquez, P. V., Farrington, J. L. (2013) “The Challenge of Non-Communicable Diseases and Road Traffic Injuries in Sub-Saharan Africa. An Overview”. Washington, DC.: The World Bank.
[3]World Health Organisation Regional Office for Africa, Weekly Bulletin on Outbreaks and others emergencies,31 March 2019.

Dr Sylla Thiam
Expert en santé publique et management de la santé

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